Ce premier article, d’une série à venir sur les différentes techniques textiles, est né de la volonté de vous en faire découvrir plus, d’avoir un autre regard et de dépoussiérer (peut-être) la manière que nous avons de considérer celles-ci. Ces techniques, broderie, tricot, crochet…, si chères à nos cœurs et trop souvent « méprisées » comme les sempiternels ouvrages de dames, sont pour beaucoup aujourd’hui un retour aux sources, un désir de FAIRE avec nos mains en opposition à nos vies virtuelles. Nous vous invitons donc à surfer sur ce nouvel élan que vivent, via le DIY notamment et les artistes qui s’emparent de ces médiums, ces moyens d’expression qui trouvent également un regain dans le design de mode et d’objet.
Qu’est-ce que la broderie ?
Une petite définition du dictionnaire ne fait jamais de mal pour mettre tout le monde d’accord ! Broderie : Art de réaliser à l'aiguille, sur une étoffe ou autre support, des applications de motifs ornementaux à l'aide de fils de coton, de lin, de soie, etc., ou de métal. (Larousse)
Petit retour historique pour planter le décor
La broderie est certainement l’une des expressions les plus somptueuses de ce que peut faire la main humaine, luxe fou ou sobriété du blanc, elle est un art à part entière. L’art de broder ses vêtements est au moins aussi ancien que l’apparition de l’aiguille pour les coudre et du fil pour les assembler. Le parés de couleurs, pour montrer un statut social et paradoxalement pour nous identifier, créer un fil conducteur visuel entre les membres d’une communauté, d’où une grande maîtrise de la broderie notamment pour les uniformes militaires.
© Association SHEFrance

La broderie, un art textile universel, partagé à travers les générations et les continents
Les premiers spécimens de broderie connus ornaient des étoffes retrouvées dans des tombes égyptiennes. Les croisades ont apporté en Occident le luxe des broderies orientales et l’importation des vers à soie chinois. Au Moyen-Age, la broderie est omniprésente dans le quotidien, des plus riches aux plus humbles, mais c’est le plus souvent une affaire d’Eglise pour les ornements liturgiques.
À la Renaissance, la broderie envahit tous les vêtements d’apparat et l’ameublement. Réservée aux élites, elle décore habits de cour, vêtements des nobles et des riches bourgeois, mobilier des demeures princières. Elle est le symbole du beau, du riche et de l’élégant.
Au XXème siècle, le brodeur devient l’allié de la Haute-Couture
Avec Paul Poiret, premier grand couturier moderne, la broderie devient aussi folle que la période… les robes sont couvertes de strass, de paillettes, de perles. Au rythme du charleston, les sequins brillent dans les soirées, les robes deviennent si lourdes qu’elles menacent de se déchirer.
Disparu en 2011, François Lesage représente l’essence même de la broderie de luxe pour la Haute-Couture française. Ce célèbre brodeur a collaboré avec les plus prestigieuses maisons, comme Chanel, Yves Saint-Laurent, Balenciaga, Givenchy, Christian Lacroix, Balmain ou Dior.
"On ignore trop que la broderie s'exécute encore à la main comme au XVIIIème siècle" (Christian Dior)
En effet, peu de choses ont changé : les métiers sont les mêmes et il est toujours aussi long et minutieux de broder. On distingue principalement trois sortes de broderies : la broderie à l'aiguille ou au crochet, exécutée à la main sur un petit métier ou cadre ; la broderie à la machine, type Cornély ; et la broderie mécanique, exécutée sur les grands métiers industriels. Plus récemment, des machines à coudre-brodeuse électroniques ont fait leur apparition.
© Hélène Le Berre


Des ouvrages de dames à l'expression artistique
Mais à côté de la grande broderie de luxe qui a fait la renommée de la capitale, il y a son humble petite sœur : la broderie domestique, celle qui, sans prétention, sert à enjoliver le quotidien. C’est là que l’imagination et la fantaisie ont pris la relève. Les matériaux traditionnels se voient chahutés, conception et exécution ne connaissent plus de frontières.
Aux côtés de simples amateurs, on voit des artistes questionner la technique et son emblématique positionnement « travaux féminins » qui ne manquera pas d’être mis en avant par les mouvements féministes. Vous avez pu découvrir ces dernières années dans l’exposition Art Textile à l’Aiguille en fête et Créations & savoir-faire plusieurs de ces artistes toutes avec des interprétations uniques : Adriana Torres, l’illustration en broderie sous le nom Miga de Pan, Marie-Thérèse Saint-Aubin transcende le point de croix en nous contant un hymne à la nature, Ina Statescu mêle la broderie à une foule d’autres techniques, Rika Ogasawara magnifie et réinterprète le point de Beauvais sur ses bijoux, Hélène Leberre quant à elle, illumine les étoffes délicates de vêtements anciens, Sophie Truant, mêle avec passion illustrations gouachées et broderies…, et ce n’est pas fini, dans la prochaine exposition seront à l’honneur Hélène Fontaine, Stéphanie Cazaentre, Dalila Belkacemi et Clémence Gueib quatre univers riches et complémentaires par leurs approches plastiques et techniques mais qui tous nous font partager une vision poétique du quotidien.
© Association Jours-Semis Et Entre-Deux
Une envie de faire ensemble
Par ailleurs, comme souvent le textile rassemble et de nombreux projets collaboratifs existent autour de la broderie, le projet Guldusi, un dialogue entre brodeuses afghanes et occidentales et le projet Broder la mémoire, une invitation à broder nos jolies photos, anciennes ou nouvelles, photos oubliées ou photos très aimées, pour ainsi les restaurer en sont de belles illustrations.
Cet article n’est bien entendu pas exhaustif, il est impossible tant elle est riche de parler de la broderie dans son ensemble. Il lance des pistes à l’image du salon pour parler des fils, des textiles, des créateurs, de l’artisanat d’art, de l’art contemporain. Une place pour partager, échanger, découvrir de nouveaux horizons d’expressions, formations et fournisseurs pour donner envie aux experts comme à ceux qui n’ont jamais enfilé un fil dans le chas d’une aiguille.
Pour aller plus loin...
Paul Poiret, la mode est une fête
- Jusqu’au 11 janvier 2026
- Musée des Arts décoratifs, 107 rue de Rivoli, 75001 Paris
- Du mardi au dimanche de 11h à 18h, Nocturne le jeudi jusqu’à 21h
- Fermé le lundi
- https://madparis.fr/Paul-Poiret-la-mode-est-une-fete
Rendez-vous au Musée de Cluny pour découvrir la broderie médiévale :
- Entrée du musée par le 28 rue du Sommerard, 75005 Paris
- Le musée est ouvert tous les jours sauf le lundi de 9h30 à 18h15.
- Découvrir leur dossier en ligne « L’art en broderie au Moyen-Âge »
Découvrir la fabrication d’une aiguille en visitant la Manufacture Bohin
- 1 Le Bourg, 61300 Saint-Sulpice-sur-Risle